Cette étude coordonnée par la Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie porte sur questions relatives aux confinements, aux fins de vie et à la mort dans les Ehpad pendant la première vague de l’épidémie de Covid-19 en France. Après deux ans de travaux, cette enquête livre ses résultats.
Vingt-six chercheurs en sciences humaines et sociales (sociologues, psychologues, anthropologues et philosophes) appartenant à sept laboratoires différents ont enquêté dans six régions de France1 auprès de professionnels des Ehpad, de résidents et de leurs proches. Afin de collecter des données « à chaud », ils ont mené dès le mois d’avril 2020 des entretiens individuels, par téléphone, en visioconférence ou en face-à-face, auprès de 269 personnes, dans 52 Ehpad. Les résultats de cette étude montrent à quel point la première vague de l’épidémie de Covid-19 a bouleversé le rapport à la fin de vie et à la mort des personnes qui travaillent et vivent dans ces établissements.
Pour les professionnel.e.s, les résident.e.s et leurs proches, les mesures de confinement ont été une véritable épreuve. Les équipes des Ehpad ont été contraintes de travailler dans un contexte déstabilisant. Elles ont dû gérer l’incertitude face à un virus inconnu en suivant des consignes fluctuantes émises par leurs autorités de tutelle. Il leur a fallu s’adapter, réorganiser le travail et les espaces, pallier le manque de matériel et de personnels, tout en développant de nouvelles formes de coopération.
Parce qu’ils étaient âgés, fragiles et vivant en milieu collectif, les résidents ont été particulièrement vulnérables et exposés au Covid-19. Les mesures de protection ont été difficiles à mettre en place, faute d’équipements, et le virus s’est propagé rapidement. Les hôpitaux, saturés, n’ont pas toujours pu admettre les malades. Pour les prendre en charge, il a fallu médicaliser les Ehpad, chercher du matériel, du personnel de renfort et faire appel à des services extérieurs.
L’imprévisibilité des décès dus au Covid-19 a surpris les professionnels. En raison de l’urgence de la situation, de la surcharge de travail et des contraintes sanitaires, ceux-ci ont rencontré des difficultés pour accompagner convenablement ces fins de vie inhabituelles, d’autant plus que les proches des résidents ne pouvaient pas toujours être présents. Le contexte épidémique a également eu des conséquences sur le traitement des corps des défunts, avec des interdictions de toilettes funéraires, des mises en bière immédiates, et l’obligation pour certains soignants de devoir réaliser des gestes habituellement du ressort des pompes funèbres.
Les nombreux extraits d’entretiens qui ponctuent le rapport final de l’étude COVIDEHPAD2 offrent un aperçu saisissant du vécu des personnes interrogées. Au delà de ces récits et de l’analyse qu’en font les chercheurs, les résultats de cette enquête soulèvent des interrogations et des réflexions sur le modèle des Ehpad et, plus généralement, sur la place accordée aux personnes âgées et fragiles dans notre société.
- ↑ Bourgogne Franche-Comté, Grand Est, Auvergne Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Île-de-France et Bretagne.
- ↑ L’étude COVIDEHPAD a été coordonnée par la Plateforme nationale pour la recherche sur la fin de vie et portée par le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon. Elle est financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).